Publié en 2003 sur "Microscopies.com"; remis en ligne comme archive consultable en 2021
D.N.

Stéréomicroscopie

Ramon y Cajal: un microscopiste du XIXe
réalisant des images en relief au microscope
Comment un amateur peut il l'imiter en 2003?

Daniel Nardin


 
Le nom de Santiago Ramon y Cajal (1851-1934) apparait dans les encyclopédies comme celui d'un médecin biologiste spécialiste du tissu nerveux dont il a décrit l'anatomie au microscope. Certaines familles de neurones portent d'ailleurs son nom. J'ignorais par contre avant de le découvrir dans un petit livre acheté lors d'un congrès de stéréoscopie à Besançon en mai 2003, qu'il était également un passionné de photographie et de stéréophotographie dont il avait recherché des applications pour ses études anatomiques.
Le fruit de ses recherches a été consigné dans un livre de 1918:
"la microfotografia estereoscopica y biplanar del tejido nervioso".
Un petit rappel s'impose: qu'est ce que la stéréoscopie?
C'est l'ensemble des procèdés qui permettent de restituer le relief à partir de 2 points de vue (au moins ) d'un mème objet. Le plus simple utilise des appareils à 2 objectifs espacés d'environ 65mm (écart moyen des 2 yeux) qui enregistrent simultanément 2 images. Un dispositif appelé stéréoscope permettra ensuite de présenter l'image droite à l'oeil droit et la gauche à l'oeil gauche.

 

 

Pour visualiser le principe, il suffit de constater sur cette figure (inspirée d'un traité allemand de stéréophoto de Kuhn) que les images de 3 objets -arbre, pot de fleur et abeille - supposés vus à travers une fenètre, sont décalés en fonction de leur place en profondeur sur les images gauche et droite correspondant à nos 2 yeux.
Notre cerveau interprète ces décalages pour reconstituer le relief.

 

 

 

 

 

(le site de P.Gidon vous en dira plus sur la stéréoscopie)

Au lieu de 2 clichés simultanés, on peut prendre 2 clichés successifs avec un seul appareil que l'on déplace entre les 2 prises d'une distance fonction de l'éloignement du sujet. Enfin, il est possible également de faire pivoter le sujet entre les 2 prises d'un petit angle de 1 à 2°. (c'est la méthode utilisée pour la stéréophoto avec le microscope électronique à balayage)

En microscopie optique avec des sujets opaques éclairés par dessus, à faible grossissement, il est encore possible de réaliser une translation ou une bascule de l'objet .
Mais il faut d'autres systèmes en éclairage par transparence.

Quels procédés utilisait Ramon y Cajal?

Dès la fin du XIXe siècle, il disposait de microscopes de forme moderne avec des objectifs Zeiss déja de grande ouverture
(3mm ON1,4 de Zeiss par exemple).


Par contre, la chambres photo sur plaque de verre grand format utilisée est loin de nos appareils numériques!

Il aurait recencé 11 méthodes différentes de microstéréophoto dont la plus performante serait le décentrement du diaphragme du condenseur d'Abbe d'un coté puis du coté opposé pour les 2 clichés. (L'éclairement latéral est équivalent à une vision latérale. )
Auparavant , il a essayé:
* la bascule du sujet à faible grossissement (cf. stéréomicroscopes de Greenough ou Drüner)
* Le déplacement du miroir d'éclairage pour former 2 pinceaux lumineux alternativement sur le sujet.
* l'occlusion alternativement de la moitié droite ou gauche de la sortie de l'objectif .
* la bascule de l'oculaire.
* un dispositif à 3 prismes d'Ives qui séparait en 2 le cone lumineux issu de l'oculaire .
* un double diaphragme avec 2 filtres de couleurs opposées associé à des plaques photographiques sensibles chacune à une des couleurs des 2 filtres.

 

voici la reproduction d'un couple d'images microstéréoscopiques de Cajal:

(neurones de la région olfactive; section épaisse en coloration de Golgi; objectif ON 0,65 )


La stéréoscopie a des limites en microscopie: La faible profondeur de champ réduit beaucoup le volume à l'intérieur duquel on peut voir en relief.
Cajal a essayé de contourner ce problème en utilisant des prises de vue étagées en profondeur surimpressionnées sur chaque cliché. Mais les images perdent en netteté.

Annotations 2021



J'ai remis cette page en ligne suite à la requète d'un autre membre du SCF:  Edouard Barrat qui présente sur son site l'image de neurones ci dessous, mais en anaglyphes.


























P.Gidon est décèdé et ses sites ne sont malheureusement plus tous en ligne en 2021
(il reste par exemple ces "grands anaglyphes" ).
Pour la technique, je vous conseille à la place celui de Pascal Granger.

                            

                                                                  

  La stéréomicroscopie actuellement?

 
 

Il faut noter d'abord que les stéréomicroscopes sont d'usage courant pour l'observation en relief aux faibles grossissement (de 20x à environs 100X). Par contre seuls des modèles haut de gamme ont une double sortie photo.(Ne confondez pas microscope stéréoscopique et binoculaire; dans le 2e cas, les 2 yeux observent la mème image alors que dans le premier la construction fait en sorte qu'il y a deux angles de vue)
Au dela de 100x, avec un microscope conventionnel, en 2003, les mèmes principes d'éclairement latéral peuvent toujours être utilisés et ils sont à la portée de tous.
L'invention du filtre polarisant a donné de plus depuis les années 1950 une alternative aux filtres colorés que l'on pourra utiliser au niveau amateur. J'ai réalisé ce système dans les années 1990 après en avoir lu la description dans un numéro de 1985 d'une très bonne revue allemande de microscopie, Mikrokosmos.
Plus récemment la technologie des obturateurs à cristaux liquides a permis à Zeiss de proposer en 1998 une variante moderne couteuse qui fonctionne par l'alternance rapide des images des moitiés d'éclairement gauche / droite.

 
 

d'après brochure Zeiss

 
 

pour réaliser des photographies les meilleure méthodes dérivent de celles de Cajal:
pour des sujets non mobiles, usage d'un diaphragme décentré placé successivement à droite puis à gauche de l'axe.

Un carton percé d'un trou latéral peut faire l'affaire en le retournant entre chaque photo. C'est le 1/2 diaphragme de moitessier préconisé par Betton dans son que saisje ou il aborde la microstéréophoto.

Un condenseur d'abbe à diaphragme décentrable comme le modèle Lomo ci contre permet de faire cela plus facilement.
condenseur lomo


Pour les sujets mobiles, un disque bicolore ou un double diaphragme bicolore placé sous le diaphragme d'ouverture permet de photographier voire de filmer au microscope . Les images seront regardées avec des lunettes bicolores (technique des anaglyphes).

pour observer en relief au microscope:
On peut associer un double diaphragme avec des filtres de couleurs opposées comme ci dessus, à une tète binoculaire et des filtres de couleur complémentaire sur chaque oculaire. Mais maintenant on peut remplacer ce système avantageusement par des filtres polarisant croisés (cf schéma plus haut ou lire en anglais le texte de Giorgio Carboni). Ceux ci respectent les couleurs mais sont incompatibles avec les objets cristallins.

pour voir les images produites sur papier, les méthodes classiques de la stéréoscopie sont à appliquer.
(cf les sites de P.Gidon ou P. Granger)


pour afficher en relief sur internet :
en attendant le développement d'une technologie moderne du relief associant des réseaux lenticulaires aux écrans plats qui se répandent, les systèmes nécessitent actuellement des accessoires identiques à ceux sur papier.


La technique des anaglyphes est la plus utilisée . Il faut pour les voir des lunettes bicolores (souvent à filtres rouge à gauche et cyan à droite). vous pouvez réaliser des anaglyphes à partir de 2 images grace à un logiciel libre: anabuilder.

Voici un exemple de résultat en macro obtenu par pivotement du sujet.
(frelon mort; appareil reflex et bague allonge;)

Vous pouvez aussi afficher les images gauche et droite cote à cote à l'écran. Ce sera dit en vue parallèle si la gauche est à gauche (comme ci dessous); en vision croisée si c'est l'inverse.

 















Sites plus en ligne.
En remplacement voir cette page du SCF et, pour les curieux,  l'histoire du stéréoscope.

Une page proche de G.Carboni a été conservée.

Anabuilder est toujourss fonctionnel, mais son auteur se consacre en 2021 à la mise au point d'un logiciel plus sophistiqué "3Den live"
 

 
 

Pour un affichage plus sophistiqué permettant l'usage de divers systèmes (vision croisée, parallèle, images superposées...), il est possible d'utiliser un aplet Java écrit par A. Petersik logo petersik
Dans une 2e page, je vous propose avec cet aplet
quelques exemples de relief en microscopie réalisés pour cet article

  Sur internet l'obsolescence guette vite! J'ai remplacé l'applet java de A.Petersik par le html produit par SPM de M.Suto
 


Si vous disposez de lunettes rouge/cyan pour anaglyphes,
ne manquez pas le site de Vim van Egmond .
Il est riche de nombreux exemples dans le monde microscopique qu'il réalise directement en anaglyphe sur le film avec deux 1/2 filtres colorés sous le condenseur (au lieu de 2 prises par Ramon y Cajal).
Il a décrit sa technique dans un article de Miscape de mars 1997.
Il devrait vous donner envie de découvrir et de montrer le relief du monde microscopique.
En tout cas, il va me faire renouveler des essais qui seront plus aisés actuellement sur support numérique.

  Le nouveau site de Wim van Egmond affiche moins de 3D

Mais la revue en ligne Miscape a mis ses images en ligne...


Bibliographie:

Livres et revues:

"a stereoscopic atlas of the nervous system by Santiago Ramon y Cajal" Antonio Bergua Stereobookedition 1999

"Photomicrographie" Betton QSJ 1985 p. 120

"Stereofotografie und Raumbildprojektion" G.Kuhn vfv 1999

"Räumliches Sehen im Lichtmikroskop I et II" R.Wolf, K.F. Fischbach
2 articles de la revue mikrokosmos (1985 n°9 et 10)

Sites Web:

High-Magnification Stereoscopy Giorgio Carboni, September 2002

"3D photography throught the microscope" Vim Van Egmond
Miscape mars 1997

Daniel Nardin

juin 2003

La bibliographie livres reste valide en 2021.

Il faudrait signaler le précédé numérique de zédification (focus stacking) qui permet depuis quelques années de produire aussi des couples stéréoscopiques.
Mais c'est une autre histoire...