Le focus bracketting avec un Olympus Om-D E-M5 markII


Sur le forum "le naturaliste", Jean Marc Joannet  nous a décrit avec chaleur le mode haute définition et le focus bracketing des Olympus OM-D depuis octobre 2015. Il a attiré mon attention et comme ces modes sont pour l'instant originaux, presque propres à Olympus  dans le panorama des firmes, je me suis mis en chasse de matériel ayant ces fonctions. J'ai cherché en occasion en visant le 1/2 prix à mon habitude en profitant du fait que de nouveaux boitiers sont sortis dans l'intervalle chez Olympus (E-M1 markII en novembre 2016 en particulier), incitant certains à revendre du matériel plus ancien. J'ai acquis ainsi successivement  à partir de décembre 2016, un OM-D E-M5 markII, un objectif 60mm macro Olympus ( pour la proxi) et enfin, un zoom 100-300 panasonic Lumix (pour des essais comme lentille de tube d'objectifs de microscope à l'infini).

J'ai testé d'abord le focus bracketting. C'est un mode ou l'appareil réalise une série de photos en mise au point décalée selon les critères choisis, par le déplacement motorisé de lentilles de l'objectif. Ces images en série permettent ensuite la zédification (= focus stacking), c'est à dire la formation avec un logiciel dédié d'une image composite associant les zones nettes de toutes.
Ce mode du focus bracketting a un avantage par rapport aux systèmes de déplacement de l'appareil ou du sujet d'abord utilisés en focus stacking: il est plus facile de déplacer précisement seulement quelques lentilles légères. C'est plus rapide et cela entraine moins de vibrations de l'ensemble.

J'ai testé 3 types d'usage de ce nouveau type de prises de vue pour zédification:
- en proxi avec un simple objectif  autofocus
- en macro avec des optiques de microscope à l'infini et un zoom autofocus de focale autour de 200mm utilisé comme lentille de tube
-en microscopie avec l'ensemble appareil + objectif monté au dessus d'un oculaire dans un système afocal.

1) la proxi avec l'objectif de 60mm
Cet usage est celui qui est habituel en focus bracketting. Il  pose peu de problèmes.
Des explications et de  bons exemples d'usages sont donnés sur cette page d'un photographe pro, Kazuo Unno :.
Tout objectif à mise au point assez rapprochée peut être utilisé. Le site ci dessus en montre réalisés au 60mm macro et au zoom 40-150mm. Un 30mm macro conviendrait aussi.
J'ai choisi le 60mm pour le recul plus important de cet objectif par rappport au 30mm.
Voici un résultat sur un labelle d'Ophrys lupercalis  (fusca) photographié en février 2017  et le système Olympus OMD E-M5 markII et 60mm macro en utilisation sur trépied:
Ophrys fusca Olympus E-M5markII

Le mode opératoire est le suivant:
Que ce soit en mode mf (mise au point manuelle)  ou af (autofocus), mon système décale la mise au point depuis la distance choisie en se rapprochant de l'infini.
Il faut donc faire la mise au point sur le plan le plus rapproché du sujet , choisir un nombre d'images (Entre 2 et 999) et un pas (entre 1 et 10).
Les pas correspondent à une fraction de tour et ce n'est pas un espacement  régulier des plans de map puisque la variation est plus grande en allant vers l'infini.
( En cas de sujet éloigné de quelques mètres en photo normale, il peut y avoir dépassement de l'infini! mais l'appareil arète alors la série sans finir le nombre demandé.)

Il faut  toutefois étalonner pour différents rapports de reproduction les bons paramètres à choisir en fonction de la profondeur du sujet.
Les règlages des paramètres sont un compromis entre la finesse du pas et le nombre d'images. On peut prendre 2 à 3 comme pas et de 10 à 50 images selon la profondeur du sujet. C'est aussi à adapter en fonction du rapport d'agrandissement souhaité.
Ce mode est très prometteur en proxi et jusqu'aux limites de la macro au rapport  1,25x permis par le 30mm Olympus ou au 1x du 60mm (et dans les 2 cas, avec le capteur 4/3 le champ est équivalent à 2 fois plus petit qu'en 24x36 ! ).  L'équipement est bien plus léger et plus simple à mettre en oeuvre sur le terrain que celui incluant un moteur style stackshot. Il permet une série bien plus rapidement car il n'y a pas nécessité de déplacement et de stabilisation entre 2 clichés. On peut envisager de photographier plus facilement de petits insectes statiques juste  pendant quelques secondes... C'est une automatisation de la technique de photographie de Philippe MARTIN qu'il appelle "Hyperfocus".

Voici un premier test avec une petite abeille immobile  sur une paquerette dimanche 12 mars.
Appareil sur pied, Il a suffi de quelques secondes pour le focus bracketting sur 9 images, (objectif 60mm pas de 5).

image 1
image 1 de la pile
en focus bracketting
zédification
résultat de la zédification

image 9
image 9 de la pile
en focus bracketting


2)  la macro avec le zoom 100-300 utilisé comme lentille de tube
Ce mode correspond à un bricolage, un détournement du système! Les objectifs de microscope moderne du système dit "à l'infini" ont besoin d'une lentille dite"lentille de tube" pour focaliser les rayons sur le capteur. Le remplacement de cette lentille de tube par un zoom  permet d'envisager une variation du grandissement avec les objectifs de microscope à l'infini (comme ceux de marque Mitutoyo, vantés pour leur distance de travail). Le grandissement varie linéairement comme la focale du zoom. La focale de 200mm correspond au grandissement nominal. Un zoom 100-300mm correspond ainsi à une variation de 0,5x à 1,5x. Mais les courtes focales produisent du vignetage.
Théoriquement, il ne faut utiliser que le règlage à l'infini pour les meilleurs résultats, mais plusieurs testeurs ayant montré que des images correctes se  formaient aussi avec un tirage plus long de l'objectif du photoscope, cela ouvrait la voie à ce montage.
Voici le dispositif (la motorisation du statif visible à gauche,  n'est pas utilisée dans ce mode; elle correspond au procédé classique de zédification)
 et un résultat au 5x, un sable à foraminifères avec un champ de 3,4mm:
E-M5II_100-300Mitu Foraminifères 5x
Boitier Hybride Olympus E-M5II
avec 100-300mm utilisé à 200mm comme lentille de tube d'objectifs Mitutoyo
mode "Focus bracketting" , pas de 5; 40 images zédifiées avec Zerene stacker,


J'ai plus de difficultés à opèrer. Il est pratique d'utiliser le pilotage à distance de l'appareil par ordinateur avec le logiciel Olympus capture.
une première difficulté est liée à l'objectif qui s'allonge en changeant de focale. Cela ne permet pas de zoomer en conservant la mise au point. (Malheureusement, il n'y a pour l'instant dans la liste des objectifs micro 4/3qu'un zoom ne s'allongeant pas dans la gamme de focale autour de 200mm, le 40-150mm associé à un téléconvertisseur 1,4x pour un total de 56-210mm et l'ensemble  est très couteux, de l'ordre de 1600€! )
On peut néanmoins bloquer sur une valeur  focale. Je l'ai fait , par exemple à 200mm sur mon zoom 100-300mm.

Ensuite, il m'a fallu comprendre pourquoi les piles ne faisaient pas toujours le nombre d'images demandé. En fait, il ne faut pas dépasser la position infini de l'objectif en cours de pile (cf plus haut). Il faut donc se caler à l'infini au niveau du plan inférieur de la pile envisagée, puis mettre au point sur le plan le plus haut (si c'est possible) en utilisant la fonction de mise au point du logiciel olympus capture. Et enfin déclencher .
 
Je n'ai pas encore trouvé comment remettre simplement l'objectif à l'infini. Cet objectif ne possède pas de repère de mise au point.
Pour l'instant, pour metttre l'objectif à l'infini, je dois éteindre l'appareil brièvement. L'objectif se cale alors sur l'infini car j'ai paramètré un règlage "faire réinit" à on dans le menu.

J'ai choisi arbitrairement un pas de 5. Je fais une série de 50 images. C'est encore à paufiner!

3)  la photomicrographie en mode afocal avec le 60mm au dessus d'un oculaire de microscope ou de stéréomicroscope
En général, on utilise les microscopes en photographie avec un projectif ou en plaçant le capteur au foyer de l'objectif. Une autre méthode existe qui est plus répandue depuis l'arrivée des compacts numériques. Elle consiste à placer l'objectif du photoscope au dessus de l'oculaire. C'est la méthode dite de "digiscopie" utilisée par les ornithologues sur leurs lunettes. Elle était appelée autrefois "mode afocal" car il n'y a pas d'image réelle formée par l'oculaire;  les rayons sortant de l'oculaire sont parallèles , "à l'infini".
La aussi, bien que les schémas théoriques des manuels  ne présentent que le cas de l'appareil focalisé à l'infini, il est possible de faire varier la mise au point et donc de pratiquer le focus bracketting.
C'est aussi une discussion sur le forum "le naturaliste" autour de  la meilleure façon de faire des photos avec un modèle de stéréomicroscope (Olympus SZ6045), qui m'a orienté vers ce mode.
Les premiers essais que j'ai fait avec un microscope Olympus BH2 et un oculaire WF10x m'ont montré que ce mode est possible.
Le champ obtenu est vignetté si l'objectif n'est pas approché assez de l'oculaire ou si la pleine ouverture n'est pas utilisée sur l'objectif. Mais si on fait attention, on a la pleine couverture du cadre en format 3:2 et un très léger vignetage en 4:3.
Avec un objectif 5x et un oculaire 10x, un 60mm, le champ est de 1,44mm  sur un capteur de 18mm soit un grandissement proche de 12,5x
La régle empirique : un oculaire de grossissement 10x donne visuellement un champ équivalent au champ photographique  d'un projectif de 2,5x est donc bien approchée.
Je ne comprends pas par contre pourquoi le cadre d'un oculaire photo 10x indique un champ compris entre celui du nfk 3,3x et du 5x sur plein format?
Pollen Crocus sur stigmate obj.5xoc.10x 50images pas 5
Pollen de Crocus sur stigmate  
Champ 1,4mm

Microscope Olympus BH2, Objectif MSplan 5x, oculaire 10x

Boitier Hybride Olympus E-M5II avec 60mm macro
mode "Focus bracketting" , pas de 5
50 images zédifiées avec Zerene stacker,
montage afocal Olympus E-M5II sur BH-2

Le mème mode opératoire qu'en macro fonctionne en manuel:
pour mettre l'objectif à l'infini, on peut soit éteindre le boitier, soit avec cet objectif tourner manuellement la bague et se fier à l'index sur l'objectif
puis en restant avec l'objectif de l'appareil à l'infini, il faut descendre  au niveau le plus bas avec le règlage du microscope, puis  tourner manuellement la bague de distance ou utiliser la commande d'Olympus capture pour mettre au point en haut de la pile et finalement, lancer le focus bracketting.

J'ai rencontré des difficultés pratiques aussi, par exemple, l'autofocus semble inefficace dans cett configuration.
Des poussières internes à l'oculaire peuvent gacher le résultat comme celles sur les capteurs en photo classique.
Si on choisit une étendue trop grande en profondeur, il y a trop de différences entre le champ en position proche et le champ en position infini et le résultat de la zéedification est un effet rayonnant, comme un "coup de zoom"
Donc ce mode très pratique ne peut pas remplacer pour les sujets épais le mode par déplacement du sujet ou du boitier.

Je ne pense pas que ce mode avec un microscope soit très utile. Pour la meilleure qualité photographique dans la gamme de grandissements 10x à 50x, à mon avis, on remplacera avantageusement la combinaison sur microscope  d'un objectif + un oculaire 10X par celle d'un objectif 2,5 fois plus fort en montage macro. Cet objectif plus fort, aura une ouverture numérique plus élevée, favorable à une meilleure résolution.
Toutefois, ce mode afocal sur microscope reste à explorer au dela des limites de la macro vers 50x. Il faudra tester ce qu'il donne avec un objectif de 40x ou 50x à un grandissement de 100 à 125x...
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Par contre, malgré sa qualité de résultat inférieure aux objectifs macro, ce mode afocal peut être utile grace au confort apporté sur un stéréomicroscope dont il permet de conserver les possibilités de zoom et de vision stéréoscopique en visée. Je l'ai monté sur ma Wild M7S et je suis satisfait des premiers résultats
OM EM5II en mode afocal sur stéréoscope Wild Miniacinia rubraTests de Foraminifères benthiques Miniacinia rubra  dans sable de plage; champ 11mm
Stéréomicroscope Wild M7 et boitier Hybride Olympus E-M5II avec 60mm macro
mode "Focus bracketting" , pas de 6, 40 images zédifiées avec Zerene stacker,
Je compte adopter ce montage comme "macroscope à visée binoculaire stéréoscopique" et ce procédé pour faire des zédifications rapidement.
Le zoom de la M7 permet de 0,6x à 3,1x multiplié par 2,5x de l'oculaire 10x utilisé en afocal, cela fait de 1,5x à  7, 75x sur capteur donc un champ de  11 à  2,2mm.
Cela couvre bien le domaine le plus habituel de la macro.

Malheureusement, comme on pouvait s'y attendre avec la complexité optique  du système, le rendu photographique n'est pas aussi fin que celui d'un dispositif photo macro simple avec un  objectif macro et un soufflet  comme s'en plaint Jef Morit à l'issue de son test sur son Olympus SZ6045 chez JM Joannet, mais le confort d'utilisation nuance cela .

Je compte utiliser ce montage  de plus en stéréo car les 2 images d'un stéréomicroscope donnent en effet un relief plus spectaculaire que celui reconstitué par les logiciels de zédification.
Je n'ai qu'une sortie trino, mais l'objectif commun de la M7S peut être translaté pour être placé dans l'axe photographique . En associant une série axiale et une série latérale, j'ai assez rapidement un couple stéréo ( une 1/2 minutes par pile; temps de traitement par Zerene plus important; court traitement par SPM pour aligner le couple )
Miniacina rubra ; stéréo pour vision parallèle.
Image pour vision parallèle

Conclusion:
Du fait de sa facilité d'usage par rapport aux rails de mise au point motorisés et de l'absence de baisse significative de qualité si on ne recherche pas des piles trop profondes, le Focus bracketing des hybrides Olympus est à utiliser sans modération sur des sujets immobiles pour une profondeur de champ augmentée grace à la zédification.
-jusqu'à 1x avec le 60mm macro
- de 1,5 à 7,75x avec la bino Wild M7 ( voire 15x avec une bonnette 2x)
- autour de 5x, 10x, 20x 50x... sur les optiques Mitutoyo (avec le zooming , on peut espèrer la gamme complète: 4->7,5x , 8->15x, 16->30x, 40->75x ... )

La facilité d'usage de ce mode fait souhaiter le développement d'objectifs macro adaptés.
Pour l'instant, le MPE 65 de Canon reste maitre sur son créneau de 1à 5x  en plein format avec des rails de mise au point. Mais il faut avouer que les objectifs macro d'Olympus de 30 et 60mm atteignant l'équivalent de 2x grace au petit capteur sont une sérieuse concurrence vu la facilité du mode de focus bracketting!

J'envisage presque aussi de tester sur le terrain ma Bino Wild M7 avec un tube monoculaire en focus stacking pour une gamme de 3x à 15x en équivalent 24x36!
Daniel NARDIN
18 mars 2017