Histoire
de la photo en relief, ou "3D" à travers une collection
de nus stéréoscopiques
Le nu a été un sujet dès les débuts de la photographie stéréoscopique. Le réalisme qu'apporte la
stéréoscopie avec la restitution en volume explique cet usage.
Chaque époque de succès de la stéréoscopie s'accompagne
d'une
production de nus 3D, artistiques, érotiques ou pornographiques.
Ci dessous, quelques
exemples représentatifs des grandes
époques
de la 3D, visibles stéréoscopiquement en vision parallèle ou avec un
pokescope/ lunettes prismatiques.
I- nus stéréoscopiques
du XIXe
Il existe des nus 3D antérieurs à 1850. Il s'agit de daguerréotypes,
procédé publié en 1839 et utilisé sans concurrence une dizaine
d'années, avant son remplacement progressif par d'autres techniques.
Mais , ce sont des tirages uniques qui sont rares et
chers... Mème les tirages en
petite série d'après négatif d'avant 1900 restent rares et couteux
actuellement. Il
faut signaler que ces images du XIXe n'étaient acceptées par la société
que comme des sujets "académiques", des modèles pour les peintres.
Deux livres évoquent cette première époque, avec son coté
d'interdit social: "Le nu
stéréoscopique" de
Serge Nazarieff, 1993 et "Le
nu stéréoscopique, les modèles leur
histoire 1850 1930" de Denis Pellerin, 2020 . Un 3e évoque
d'abord la photographie de nu, 3D ou non, mais
à l'époque en dition (1849-1861), la stéréoscopie était majoritaire: "Early erotic photography" de
Serge Nazarieff, 1993/2003 (plusieurs illustrations viennent
de couples 3D ).
Dès le second
empire en France, avec la possibilité de tirages en série, les cartons stéréoscopiques au format
9x18cm sont proposés par divers éditeurs (USA: Kilburn ou Keystone par exemple) pour
le stéréoscope de Holmes dit "stéréoscope mexicain".
A ce format, il faut aussi citer les tirages sur papier fin, colorés
pour une vision en transparence, nommés Tissues à partir de l'anglais
pour "papier de soie"
Sous prétextes d'études artistiques, mais aussi déja pour l'érotisme, il circule déja des nus fin 19e!
Il existe aussi des images sur plaques de verre de
8,5 x 17 cm
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scan de reproductions, DR |
II- nus du XXe
Ma collection débute avec des plaques de verre du
début XXe qui sont
plus accessibles
que les daguerréotypes précédants chez des brocanteurs ou des sites
d'enchères en 2021, car produites
parfois en petites séries, à l'exemple des images
"Atrium" de Jules Richard. La diffusion est un peu plus forte, mais
reste en priorité dans des milieux de grands bourgeois, qui peuvent
avoir dans leur salon une borne stéréoscopique, et avec l'excuse
artistique...
Le développement ensuite de l'image imprimée va permettre une
diffusion plus large ensuite, mais qui bascule vers plus d'images
érotiques.
A- début du XXe ,
jusqu'à entre les 2 guerres
1) sur
plaque de verre
a) format 6x13cm
Ce format commence fin XIXe et se poursuit pour ce cliché entre les 2
guerres (plaque 6x13cm achetée à "antiq-photo")

(image attribuée par le style à Marcel
Meys (1885-1972)
) Coll.DN
b) format 45x107mm
vers
1910, un exemple de la série "Atrium" commercialisée par Jules Richard.
La statue de faune et la piscine intérieure sont caractéristiques de
cet auteur, industriel à l'origine des appareils vérascope et qui a
commercialisé des séries de nus dans une ambiance "antique"
reconstituée dans sa maison. La copie de l'antique s'ajoute au prétexte
artistique pour rendre plus autorisés ces nus 3D.
Coll. DN
Ces images sur plaque de verre sont
assez rares malgré tout, et coutent de 50€ à plus de 100€... (20€ pour un exempaire ébrèché)
J'en ai trouvé un panier, étiqueté "académies" dans un taxiphote acheté
sur ebay suite à une succession!
Dès 1907, des vues couleurs sont possibles avec les autochromes
des frères Lumière. Le procédé sera utilisé jusqu'en 1935. Les plaques
sont peu sensibles et ne fournissent qu'un positif unique. En
stéréoscopie, il faut de plus couper au diamant la plaque positive,
inverser la position des 2 clichés et les maintenir avec une 2e plaque
de verre par dessus et de l'adhésif noir. Tout ceci fait que les nus
stéréoscopiques avec ce procédé sont rares. Néanmoins, j'ai acquis un
stéréogramme amateur des années 1920 en autochrome
Coll. DN
2) Petits tirages papier et anaglyphes
a) Cartes postales et tirages sur papier (formats XIXe, 6x13cm, voire plus petits...)
* Après 1900, le développement des cartes postales s'est
ccompagné
de la publication de nus 3D, en particulier dans la collection "les
beautés du nu stéréoscopique"(!).

Le format carte postale d'alors est de 14x9cm avec 2 images cote à cote 70x75mm avec
une bande blanche
pour une légende en bas. Un stéréoscope spécial pour ce format a été proposé par des éditeurs ( voir "la stéréocarte" ou ce site )
Cela témoigne d'une libéralisation du nu dans les années 1900, mème si
on peut penser que ces cartes n'étaient que peu envoyées par la
poste!
*
Plusieurs formats qui coexistaient déja au XIXe, perdurent début XXe
sous forme de cartes imprimées pour stéréoscope "mexicain " :
9x18cm, 8,5x16,5cm, 8,5x17cm, 9x16cm
par exemple au format 9x16 cm (images 74x77mm), vers 1910, des séries imprimées P- ou SN- suivies d'un numéro: |
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Coll.DN
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Ces 2 série SN (pour stéréo-nu) et P étaient en fait vendues sous forme de revues imprimées pour "les peintres":
"le stéréo- nu, album artistiques d'études académiques à l'usage des peintres et sculpteurs "
Les acheteurs les découpaient pour les observer au stéréoscope.
Cette revue débutée en 1906, de format 20x21 cm environs, est attribuée aux frères Agélou
ex. à gauche sur un site de vente, un des numéros bi-mensuels. J'ai
acheté le numéro 38 de 1907 complet avec ses 12 vues stéréo.
La numérotation dans chaque revue est fantaisiste, mais Jean Agélou
aurait commercialisé au moins 236 vues. (selon C.Bourdon, "Jean Agélou,
de l'académisme à la photographie de charme" Vilo 2006 )
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* Depuis 1930 entre les 2 guerres et jusque la fin des années 1950,
différents éditeurs/photographes ont proposé des tirages à visionner
avec un petit stéréoscope.
Par exemple, en Allemagne, l'éditeur Otto Schonstein, a publié
en 1949, au milieu de nombreuses séries géographiques ou
historiques, 2 "séries d'art", signées par un pseudonyme de photographe
"Hans F. Martin" , n°1 en studio et n°2 en extérieur
 
Quelques images de "Martins
Kunstmappen I " et la boite de "KunstMappen II"
* Autre exemple, en Angleterre cette fois, l'éditeur Vista screen a publié de 1956 à
1961 pour un petit stéréoscope couleur ivoire des séries de vues noir
et blanc, des dizaines des séries touristiques ou documentaires,
mais aussi des "art studies"!
 
diverses (16) séries de charme ou de nus académique repèrées sur ce catalogue net:
21 Glamour Models No. 1, 22
Art Studies No. 1, 40 glamour models 2 , 41 Glamour Models No.
3 , 42 Art Studies No. 3 , 43 Art Studies No. 3 , S10 à S20 Miss
continentale
Cette technique des petits tirages 6x13 pour stéréoscope
pliant a été utilisée
aussi dans les années 1950 par les photographes Roye et Vala, comme
l'indique cette publicité dans les recueils pour anaglyphes cités
ci dessous.
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b) publications en anaglyphes
Cette technique à associer à des lunettes bicolores a été utilisée
entre les 2 guerres et également dans l'après guerre, avant la
prédominance du film couleur
- En France, les éditions "en anaglyphes" , rue Tournefort à Paris,
sont spécialistes et ont produit divers recueils touristiques 3D, mais
aussi: "Nus académiques dans la
nature"
s.d. (1935?), photos anonymes, mais attribuées à Marcel Meys,
collection "en
relief par les
anaglyphes" . (Je possède un exemplaire usagé )
- En Angleterre, à partir de 1954, 6 petits recueils (10x15cm, 24
pages) sont
publiées par deux photographes: Roye et Vala

Je possède les numéros 1 à 4 , trouvés malheureusement sans les
lunettes d'origine.
B- Nus du boom 3D des années 1950-60 sur
film couleur
L'invention
des procédés positifs couleur, en particulier le kodachrome en 1935, associés à
la possibilité de projection avec des filtres polarisants, ont permis
un rebond de la 3D après guerre.
1) Le format diapositive de
l'appareil realist
Dans les années 1950-60, ces images à
voir au stéréoscope ont été produites en quantité aux USA, malgré une
censure de la nudité encore présente (code Hays au cinéma en
particulier).

Ces
images circulent assez largement, en particulier sur Ebay.com. Elles se
vendent autour de 10$ (plus ou moins selon l'état de conservation et la
qualité du sujet)...
Quelques images de plus sur cette page...Les
nus, déja à ces débuts, ne sont pas qu'artistiques, mais aussi très
triviaux.
2) L'éditeur A.Mattey avec cadres plastique 45x107

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Cette
entreprise, était précurseur en stéréoscopie, sous le nom initial de
Mattey père et fils de 1902 (associé souvend à la firme collective
Eunis), productrice de bornes en bois. La 2e version a fonctionné de 1936 a au moins 1952. Je possède aussi un stéréoscope pour vues aériennes de cette firme datant des années 1970.
Elle a vendu des "études de nus" à coté des stéréoscopes.
Le format est un peu plus grand que celui de l'appareil realist.
J'ignore l'appareil de prise de vue utilisé et les stéréoscopes
commercialisés avec ces vues qui restent compatibles avec les appareils
pour verre 45x107. Mais le système est annoncé brevet 1954.

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3) les séries de type "touristique "
Les firmes Romo, Colorelief, Lestrade ou Bruguières ont vendu des
cartes de nus en parallèle de leurs séries géographiques.
Le prétexte est en général au départ des études pour peintres...

Il existe mème des disques View master!
(Ce sont des reprises d'images realist souvent)

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III- Tirages photographiques 3D de nus
de la fin du XXe encore en
argentique, et début du XXIe en numérique
Dans les années 1980- 2000, la 3D a perdu beaucoup
d'importance, mais quelques inititatives isolées de production de nus
restent, et un regain en numérique dans les années 2010 est à signaler
1) tirage de Boris Starosta
Cet auteur produit des images 3D qu'il vend en
tirages numérotés et signés depuis les années
1990, 2000
J'ai acheté ce couple 8x8cm
cote à cote, vendu sur Ebay par le vendeur pro Georges Themelis 3D-drt-3D, visible
avec stéréoscope de
Brewster XIXe, exemple de surimpression avec light painting

2) cartes postales stéréoscope
du système "Magicard" Prague
vers 1990, par Jan Vit de Prague
avec un double 6x6 stéréo "Sputnik"

3) Xavier Lainé et stéréoscope Loréo Lite
Ce photographe français
a vendu en 2005 des séries de poses d'une actrice en format 20x15cm en
cadre vertical cote à cote.
Les photos étaient accompagnées d'un
stéréoscope Loréo lite. |
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4) photographies de Larry Ferguson
Ce photographe américain a en particulier joué avec
les cadres dans le cadre ! Ses photographies ont été publiées entre
2000 et 2008, en cartes cote à cote reprenant le format du XIXe.

Il a aussi publié un recueil en anaglyphes, en partie en couleurs:
"Tasteful Temptations, the erotic 3D photography of Larry Ferguson"
ssh!productions 2008
5) Tirages lenticulaires de Henri Clément
années 2000, reproductions autostéréoscopiques de format moyen
(20x30cm) vendues par l'auteur, Henri
Clément:
  Anna
Mathilde
Bilan et perspectives:
Le nu a toujours
accompagné la stéréoscopie, en particulier lors des
pics d'audience de celle ci, que ce soit à la fin du XIXe, dans
les
années d'entre les 2 guerres (film souple, impression plus facile,
anaglyphes) , dans les années 1960 (film couleur, projection polarisée)
et enfin vers 2010 (numérique).
Dès les débuts, la pornographie est présente en parallèle de
productions plus "érotiques" ou vraiment artistiques.
Mèmes celles ci
ne devaient circuler que de façon discrète de toute façon, mais
réapparaissent maintenant comme sujets de collection. On peut noter au
cours du XXe une
évolution des productions vers plus de naturel, et aussi vers
une diffusion
plus populaire.
Au XXIe siècle, le nu en stéréoscopique ne
reste présent que de manière
confidentielle pour des collectionneurs ou des artistes jouant le
"vintage", ou alors pour les technophiles, dans des
casques 3d de réalité virtuelle, mais avec des productions moins
artistiques qu'auparavant! (et de toute façon uniquement distribuées
sous forme numérique, qui ne se collectionnera pas à l'avenir...)
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